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Gérer les sols salins, un enjeu crucial de la productivité agricole

Les impacts de la salinification des eaux superficielles et souterraines sur l'agriculture sont observables par une perte de rendement importante dans ces zones.

10 % des terres arables de la planète sont actuellement affectées par la salinité, entraînant des pertes de rendement agricole importantes dans ces zones.

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La carte mondiale des sols de l’Organisation des Nations unies pour l’agriculture et l’alimentation (FAO) révèle que 1,4 milliard d’hectares sont salinisés à l’échelle de la planète, soit 10,7 % des surfaces émergées. Les causes sont le changement climatique, l’élévation du niveau de la mer, mais aussi des usages inadaptés, tels que de mauvaises pratiques d’irrigation ou une utilisation excessive de l’eau, pointe le rapport de 211 pages de la FAO publié le 10 décembre 2024 à l’occasion du forum des sols à Bangkok, en Thaïlande.

Il faut remonter au début des années 1990 pour obtenir les dernières estimations sur le sujet. Celles-ci indiquaient que 2 % des terres arables étaient affectées par la salinité. Un chiffre qui s’élève aujourd’hui à 10 %, selon les nouvelles estimations, réalisées sur la base de la carte mondiale des sols affectés par le sel.

Les impacts sur l’agriculture sont observables par une perte de rendement importante dans les zones salines, les plantes montrant des signes de flétrissement comme en état de sécheresse malgré l’humidité du sol. Dans les pays les plus touchés, la FAO rapporte des pertes de récoltes jusqu’à 72 % pour le riz, 68 % pour les haricots, 40 % pour la pomme de terre ou 37 % pour le maïs.

Le changement climatique amplifie le phénomène

Les plus grandes superficies de sols salins se situent actuellement en Australie (357 millions d’hectares), en Argentine (153 millions) et au Kazakhstan (94 millions). Dix pays totalisent 70 % de la superficie totale de sols salins. Certains pays sont particulièrement touchés : à Oman, en Ouzbékistan et en Jordanie, plus de 90 % de la superficie de ces pays est occupée par des sols salins. Et cela concerne également de grands pays agricoles comme l’Argentine (56 % de la superficie du pays) et l’Australie (46 %).

Les risques de dégradation sont amplifiés par l’aridité croissante et la demande en eau, en particulier dans les régions en développement. L’aridité pourrait atteindre entre 24 et 32 % de la superficielle totale des terres d’ici à la fin du siècle, selon des modèles de tendance fondés sur l’augmentation de la température. Elle aura un impact négatif sur l’humidité de la couche arable dans la plupart des régions du monde ainsi que sur le ruissellement de surface.

Le rapport indique aussi que sous l’effet du changement climatique, la salinisation secondaire (d’origine humaine) affectera de vastes zones de l’Amérique du Sud, du Mexique, du sud-ouest des États-Unis, de l’Australie et de l’Afrique du Sud. Le changement climatique amplifie les phénomènes de salinisation et de sodification des eaux superficielles et souterraines.

Limiter l’expansion, atténuer les effets

La FAO déplore que « de nombreux sols affectés par le sel restent non protégés et insuffisamment réglementés ». « Certains de ces écosystèmes peuvent être protégés par la convention de Ramsar sur les zones humides, mais beaucoup ne le peuvent pas, et risquent une perte de biodiversité, voire l’extinction d’espèces uniques. »

Les eaux souterraines sont souvent surexploitées pour fournir de l’eau pour l’irrigation. À l’échelle mondiale, 33 % de l’eau d’irrigation provient des eaux souterraines, un chiffre qui n’a cessé d’augmenter avec pour effet la salinisation des eaux souterraines dans les zones côtières et zones intérieures arides et semi-arides.

Le réseau international de la salinisation des sols recommande notamment des pratiques de gestion durable, avec une formation et des cadres politiques améliorés, la protection des écosystèmes vitaux, l’amélioration de la collecte de données et de la surveillance de la qualité de l’eau. Ces efforts sont nécessaires à la fois pour une meilleure résilience des régions touchées et pour limiter l’expansion des sols salins.

Plantes halophytes et tolérantes

Les plantes halophytes qui poussent naturellement dans les sols salins ainsi que les cultures sélectionnées pour leur tolérance au sel constituent des voies pour l’agriculture. Les premières, regroupant 625 espèces, offrent une base génétique pouvant être valorisée en agriculture. Les secondes sont encore sous-utilisées dans l’agriculture saline, relève la FAO.

Mais faire progresser l’agriculture saline avec des plantes tolérantes au sel et des cultures d’halophytes suppose de créer des marchés pour ces cultures avec un soutien politique ciblé. Le rapport recommande par ailleurs d’encourager les partenariats entre le monde universitaire et l’industrie, de former les agriculteurs et les étudiants.

Pour atténuer l’effet de la salinisation, l’éventail des pratiques agricoles est diversifié. Ajout de paillis, drainage, amendement calcique, rotation améliorée, agroforesterie, etc., « il convient de rechercher les plus adaptées localement pour améliorer la productivité ». Face à cette menace majeure qui pèse sur la sécurité alimentaire et la santé des sols à l’échelle mondiale, la FAO a créé en 2021 le Réseau international des sols affectés par le sel qui rassemble plus de 830 experts, praticiens et décideurs politiques du monde entier.

La gestion des sols salins, souligne le rapport, est « cruciale pour répondre à la demande alimentaire », et « stratégique pour accroître la productivité agricole ». Le Partenariat mondial sur les sols de la FAO recommande ainsi « une action mondiale urgente et coordonnée ».

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